La grande évasion et la grande vadrouille.

Après avoir réussi à fausser compagnie à leurs geôliers, Louis-Roger et ses camarades marchèrent pendant des heures pour s'éloigner au maximum de la colonne des déportés.

Ils se retrouvèrent dans une ferme où ils passèrent la nuit. Au petit matin, les troupes russes encerclèrent la ferme et tuèrent ses propriétaires. Papy étant toujours accompagné de son camarade qui parlait russe, les soldats leur expliquèrent où ils se trouvaient et quel chemin suivre pour rentrer en France. Ils leur donnèrent un cheval, une charrette et des vivres pour continuer le long chemin qui les séparait de chez eux.

Ils traversèrent des fermes et des bois, passant de zones occupées tantôt par les Russes, tantôt par les Allemands et sous les tirs croisés d'obus américains et soviétiques.

Une fois arrivés en zone anglaise, ils furent hospitalisés puis les Américains s'occupèrent de leur retour via la Belgique.

Le voyage se fit cette fois encore dans des wagons à bestiaux, mais découverts et sous le signe de la LIBERTE.

De Belgique, les rescapés furent transférés à Lille où on les tria alors par catégorie : STO, Politique Français,… 

 



Le retour au pays.

A Lille, on délivra à Papy un billet de train pour Rennes et un costume "mal taillé" à son goût ; il décida donc de rester en tenue de bagnard.

Arrivé en gare de Rennes, Papy se rendit au Champs de Mars où étaient regroupés les prisonniers revenant d'Allemagne.

Sur place, il retrouva un ami d'enfance qui lui dénicha une place assise dans un train pour Saint-Malo. Les civils qui partageaient son wagon étaient tous intrigués par cet homme décharné en tenue de déporté. Papy ne pesait que 42kg à son retour des camps alors qu'il pesait 78kg lorsqu'il était entrée dans la résistance !

 

Ne sachant où se rendre une fois arrivé à Saint-Malo, Papy s'installa trois jours dans un wagon en compagnie de clochards qui, touchés par son histoire, finirent par prévenir les gendarmes de la présence d'un ancien déporté.

 

Ces derniers l'emmenèrent à la gendarmerie et lui trouvèrent un travail à Cancale. Ironie du sort, Papy fut chargé de surveiller les prisonniers Allemands qui déminaient la cote depuis la Pointe du Grouin jusqu'à Cancale. Il y travailla 2 ans.

Equipe de déminage au château de Barbe Brulée à Cancale (Papy en médaillon).
Equipe de déminage au château de Barbe Brulée à Cancale (Papy en médaillon).

A Cancale, Louis-Roger fit la connaissance de Gabrielle Leroux, (du hameau du Haut Bout non loin de la Pointe du Grouin) qu'il épousa en le 4 décembre 1945 et avec avec laquelle il eu 3 filles.


La reconnaissance

Loin de vouloir faire parler de lui, notre grand-père n'arborait que très rarement ses décorations. Elles restaient à l'abri dans la bibliothèque du salon, sortant de leurs écrins pour les commémorations. 

Ses médailles le laissaient bien perplexe à un époque où “même les chanteurs en sont décorés“.


La renaissance.

Papy navigua pour les compagnies pétrolières avec lesquelles il parcouru les mers du globe.

Il pris une retraite bien méritée qu'il passa à profiter de sa famille et de ceux qu'il aimait.

Papy était de ceux qui "donnent la main" pour le plaisir, pour rendre service et partager un bon moment. Très apprécié de ses voisins, il ne livrait que très rarement les détails de son histoire. 

 Humble et généreux, il n'a jamais entretenu de haine envers ceux qui l'on fait souffrir. Discret et pudique, c'est  lors de veillées estivales qu'il nous contait parfois les détails de son parcours, toujours avec un trait d'humour… celui qui l'a certainement aidé à surmonter toutes ces épreuves.

 

Souffrant d'emphysème lié à sa déportation, Papy est décédé le 4 avril 1999 dans sa maison du Haut Bout. Mamie l'a rejoint le 1er novembre 2004 ; ils reposent ensemble au cimetière de Cancale.

 

Aujourd'hui, nous sommes 8 petits-enfants et 15 "arrières" (dont 5 qu'il a connu), descendants de Louis-Roger et Gabrielle. Certains se sont installés à Cancale d'autres en Normandie ou en région parisienne et nous avons tous à cœur de nous retrouver au Haut Bout, dans le souvenir de nos grands-parents et des moments précieux où Papy nous livrait ses souvenirs sans amertume et sans haine. 

 

Au bout des jardins, la venelle que Papy affectionnait tant porte désormais son nom.